Ma classe, par une journée comme les autres, avant LA rencontre… (et avant d’apprendre à apprendre à comprendre, vous me suivez ?)
ÉLÈVE : Maître, j’ai pas bien compris le texte.
MOI : Ben prends le temps de le relire.
5 minutes plus tard
ÉLÈVE : Maître, j’ai toujours pas bien compris l’histoire.
MOI : C’est que tu n’as pas bien relu ! Qu’est-ce que tu n’as pas compris ?

Bon d’accord, c’est une grossière caricature mais dans le fond ça ressemblait un peu à ça, avant. Ce pauvre élève pouvait bien la lire 5 fois l’histoire, s’il gardait la même stratégie, ou la même passivité face au texte, il ne comprenait jamais mieux alors qu’il était volontaire et travailleur. Si en plus on venait lui demander ce qu’il n’avait pas compris… Allez expliquer ce que vous n’avez justement pas perçu dans une histoire, vous…

Il faut dire que la pratique de la compréhension dans les classes est un peu standardisée : on lit et on répond à des questions. Les trois premières questions traitent de l’explicite, dans l’ordre chronologique du texte et les dernières de l’implicite.
Les élèves en difficulté construisent même de super stratégies pour « faire juste », ils piochent des mots dans le texte pour les premières questions et n’arrivent jamais aux suivantes parce que la lecture leur a pris trop de temps… Bref c’est pas avec ça qu’on va faire avancer notre affaire parce qu’en fait on ne la travaille jamais la compréhension, on ne fait que (mal) l’évaluer.

LA rencontre

Et puis un jour, j’ai rencontré le duo de « rockstars » de la compréhension : Sylvie Cèbe et Roland Goigoux. Ils ont répondu à cette question qui m’ennuyait bien « Comment faire progresser mes élèves dans le domaine de la compréhension ? »
Ils ont alors fait une réponse simple et pleine de bon sens : « En travaillant explicitement la compréhension, en la traitant comme une autre matière, en l’enseignant. »

Comment fait-on pour comprendre ?

Une question simple avec une réponse compliquée. Pour pouvoir mieux y répondre, j’ai dévoré les écrits de mon « PédagoBand » préféré. Ils réussissent en peu de mots à synthétiser la recherche sur le sujet et à créer des outils concrets et pratiques (voir plus loin dans l’article) pour apprendre à comprendre.
La clé de voûte de la compréhension est la manière de construire et de réguler notre représentation mentale. Plein de processus sont nécessaires pour que cela fonctionne bien. Les incontournables de l’école sont bien là (ouf !) : les substituts, les inférences… mais ils font désormais partie d’un tout cohérent et clair.
Voici un petit résumé des travaux de Jocelyne Giasson :
Giasson

Des outils pratiques pour apprendre à comprendre *

En plus d’éclairer notre lanterne, Cèbe et Goigoux ont aussi plutôt bien réussi le pari de créer des outils pratiques pour les classes :

Je lis, je comprends : des ateliers pour travailler la compréhension au CE1, CE2, CM1, CM2.
C’est une bonne base pour commencer, avec un petit point théorique court et bien fait (dont est extraite l’image précédente). Je ne l’utilise plus aujourd’hui parce que j’aime de moins en moins travailler les différentes compétences sous la forme d’ateliers, je préfère les textes longs (avec une lecture à dévoilement progressif). Par exemple, les textes pour travailler les inférences ont toujours un peu la même mécanique. Et puis, pas besoin de tendre des pièges pour que les élèves soient en difficulté pour comprendre. Des récits plus longs et plus intéressants peuvent être la base du même genre de travail s’ils sont bien choisis.
Ces ateliers existent aussi en version adaptée pour les lecteurs fragiles.

Toute la série Lectorino & Lectorinette, Lector & Lectrix et même Lector & Lectrix collège : des méthodes « clé en main » pour apprendre à comprendre les textes narratifs du CE1 au collège (en passant par la 6e SEGPA).
Les + : Habituellement, je n’aime pas trop les séances « clé en main » mais là, il faut dire que c’est bien fichu et très facile à se réapproprier. Un petit topo théorique (court et efficace) introduit la méthode et les séances sont faciles à mener et à adapter aux besoins des classes.
Les – : Le seul point négatif de ces méthodes c’est, je trouve, de figer un peu trop les stratégies et la manière de les nommer. Par exemple, pour la représentation mentale, ils parlent de « faire un film ». Même si cela parle à la majorité des élèves, le risque c’est de les enfermer un peu. Certains n’auront pas de « film » mais une vue subjective du personnage, d’autres des éléments auditifs… bref, du coup je laisse les stratégies des élèves émerger avant de poser les mots dessus.

Les affichages stratégiques : Pour finir, voici trois modestes exemples de généralisation des stratégies mises en œuvre par mes élèves pour comprendre un texte narratif (classes de CE2 et CM1). Le travail est en cours, les affiches vont encore être enrichies.

Affichage compréhension 1Affichage compréhension 2Affichage compréhension 3

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